Emmanuel Smague - Tchernobyl 2009

 

Maison de la fontaine

Maison de la fontaine

18 Rue de l'Église
29200 Brest

02 98 00 82 48

Horaires

Horaires

Du mardi au samedi de 14h30 à 18h30
Le mercredi : de 10h00 à 12h00 et de 14h30 à 18h30

Petro 1 site

La lune est verte...

A revenir en France je me demande quelle destination demande le plus de courage : aller dans la banlieue de Tchernobyl vingt-trois ans après le choc ou vivre dans le pays le plus nucléarisé du monde (par tête de pipe) ? Avant de partir j'avais, plus ou moins comme tout le monde, l'intuition qu'il s'agissait d'aller sur la lune. La réalité est évidemment tout autre, quand bien même je persistais, un temps, à focaliser sur les béquillards, les gosses louches, les vaches broutantes, les soupirants du communisme, les légumes au césium et l'eau du puits. L'ombre de Tchernobyl devait flotter partout. Je me suis calmé. C'est à la fois pire et très paisible.

Volodarka est un bled de trois cents habitants, épargné par le lessivage du nuage : le bruit de fond radioactif est moindre qu'en Bretagne. Les gens nous accueillent ou nous regardent de travers, picolent beaucoup, tombent amoureux, nous émeuvent, nous nourrissent, nous saoulent de temps en temps. La vie normale de l'espèce humaine (celle-là se lève tôt et ne manque pas de cœur).

Le problème est ailleurs. Au nord, en Biélorussie, dans des territoires que la finance n'a pas daigné fermer. Au nord, à vingt kilomètres de Volodarka, dans des forêts que la police n'a pas les moyens de boucler. Et pour l'expérience que j'en ai, c'est là que l'ombre de Tchernobyl prend sa drôle de tournure. Le sarcophage est à quarante kilomètres à l'est, le dosimètre signale dans son langage binaire que le sol irradie entre dix et cent fois la dose naturelle (significatif, mais sans danger direct avec un masque, des bottes, des gants), le végétal pète la santé (difficile de dire le contraire). Et puis, dans une clairière, un autre bled. Tout sec. Et un autre. Des maisons soufflées comme des œufs, par l'intérieur. Dans celles où il reste des rideaux, il est difficile d'oser entrer. Le ciel est d'un bleu dense. Les oiseaux règnent. Les arbres colonisent la route. Pas un bruit de moteur. L'espèce a déménagé. Nous sommes des intrus. Nous sommes sur la lune et elle est verte.

Texte de Pascal Rueff (extrait des Fleurs de Tchernobyl)

 www.smague.fr

Vernissage le lundi 30 janvier à 18h
Une rencontre avec le public aura lieu le samedi 4 février à la Maison de la Fontaine de 14h à 17h30.