L’heure avant l’aube du jour suivant

Que deviennent nos solitudes, une fois que la nuit les a enfouies ?
Quand l’obscurité a tout recouvert, personne n’est plus à sa place. Le monde erre, certain de ne pas avoir à être là. Nous sommes alors des anomalies.
Comme celle que je suis moi-même. Brestois de naissance, africain d'enfance et plouarzéliste d'adoption, je ne me sens nulle part chez moi.
Du haut de ma quarantaine qui s'achève, je regarde le temps qui file sans que j'aie la moindre prise sur lui, et c'est dans cet entre-deux que la photographie a servi de béquille à mes angoisses. 
Elle fige les jours dans un instantané qui n'appartient qu'à moi, et chacun des clichés me ramène au moment précis où je les ai pris.
 L’heure avant l’aube du jour suivant dessine des atmosphères liminales. Elle est une frontière, une lisière.
Marqué par la solitude d’Hopper, par l’univers sous anxiolytique de Crewdson ou la science des couleurs de Gruyaert, j’aime essayer de regarder le monde à leur manière, de tirer de l’environnement qui m’entoure des scènes cinématographiques. En me concentrant sur les hautes lumières de chaque scène, je fais le choix de les préserver dans leur richesse et m’assure aussi de conserver des noirs très profonds, que d’aucuns diraient “bouchés”.
C’est un choix artistique délibéré qui, du noir, fait jaillir la lumière et les couleurs de la nuit.
Couleurs avec lesquelles j’ai ensuite tout le loisir de jouer : à la manière d’un peintre, je les accentue ou les rend plus “muettes” en matière de luminance, pour qu’elles correspondent à l’image que je me fais du tableau.
J’ai imaginé cette série comme une succession d’images tirées de films anxiogènes qui n’existent pas.
* “L’heure avant l’aube du jour suivant est toujours si cruellement noire” est une phrase tirée de la chanson "Petit matin 4.10 heure d'été" d’Hubert-Félix Thiéfaine