Kourtney Roy - The Tourist

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(en partenariat avec le Centre d’Art Passerelle et le Festival Européen du Film Court)

« Certains contextes indiquent si clairement nos intentions que nous n'avons même pas besoin de les exprimer pour être compris. » Avec The Tourist, Kourtney Roy se distingue une fois encore comme une virtuose de la création contextuelle.
Les vacances devraient être un moment de détente ; mais quand on est une touriste à la recherche d'un mari, elles se muent en un labeur harassant. Le bronzage doit être au top, les ongles impeccables, la tenue coordonnée. Il faut avoir un corps en forme et les formes qu'il faut pour arborer d'élégantes tenues de plage sport, imitation serpent, alligator ou léopard. Le leurre n'est pas déplacé dans un monde de simulacres où les flamants, les étoiles de mer, les dinosaures et les ongles griffus sont loin d'être authentiques. Mais parmi tous ces ersatz, nous entrevoyons quelques fragments de réalité : vraies plages et paquebots de croisière, mouettes bien réelles et un jeune alligator criant de vérité. Heureusement pour lui, la touriste porte son habit de lumière et le bébé écailleux est en sécurité, contrairement à ses malheureux ancêtres, destinés au commerce de luxe.
The Tourist contient toutes les marques de fabrique de Roy que nous aimons et attendons : l'autoportrait, une approche cinématographique, sa palette colorée bien particulière, ainsi qu'une tension entre le clin d'œil spirituel et l'atmosphère sinistre, la convention et le bizarre, le chic et le toc. Nous découvrons aussi avec plaisir que les frontières entre la réalité et l'imaginaire sont brouillées. Mais la qualité hors pair de The Tourist tient à l'organisation méticuleuse du moment où nous quittons notre monde extensif pour pénétrer dans son monde intensif. Roy crée une métaphore visuelle d'un univers que nous croyons connaître. Néanmoins, son emploi magistral de la juxtaposition nous souffle qu'il ne s'agit pas du monde que nous pensions. Les détails sont méticuleusement ciselés et agencés, les scènes à la fois familières et étranges. Le masque de plongée au-dessus de la bouche d'où pend une cigarette, la serpillière du garçon de piscine abandonnée près d'un faux temple ; les chaussons poilus tout proches de l'eau ne sont jamais une bonne idée, de même les talons aiguille sur le bord glissant d'un bassin.
L'effet global est celui d'un grand coup de marteau assené sur le cliché des vacances. D'après de nombreuses études, la plupart des gens préfèrent l'anticipation et le souvenir à l'expérience réelle de leurs congés. Voilà pourquoi les photos sont si importantes pour eux. Elles éliminent les déceptions et créent un souvenir nacré de plaisirs qui n'ont pas eu lieu. Roy inverse le rituel en nous emmenant dans un décor apparemment glamour, mais qui en réalité est beaucoup plus proche de notre propre expérience : des coups d'un soir transformés en liaisons romantiques ; l'ennui qui pousse à vider une bouteille d'alcool selon une version extrême du cocktail savouré en bord de piscine ; la crème glacée qui fond et coule parmi les bijoux en toc ; une impression d'inquiétude, comme si quelqu'un allait crier « Requin ! », mais pas pour signaler la présence d'une baudruche en plastique turquoise.
Nous quittons avec tristesse cet univers de glamour feint, dont nous rapportons toutefois la conviction apaisante que dans notre monde quotidien personne n'est obligé de se griller la peau avec une plaque d'aluminium.

Del Barrett
traduit de l'anglais par Brice Matthieussent

 

L'exposition à la Bibliothèque Universitaire et place de la Liberté

Et aussi l'exposition "Sorry, No Vacancy" au Mac Orlan